Atelier Strate après strate - <i>L'eau, strate après strate</i> - Agnès Prévost
Strate après strate
L'eau, strate après strate, 115 x 195 cm, gouache, papier marouflé sur toile         
À partir de traces successives d’une foulée sur des lais de papier, le diptyque Strate après strate évoque par la couleur des processus physico-chimiques (émergence des océans, photosynthèse) qui ont eu un rôle décisif dans l’apparition de la vie sur terre. L’empreinte donne à voir le détail du sol, l'horizon est une trace dans le sol.
Pour le dyptique Étendues, érosion... j'évoque conjointement cartographie et tapisserie. Ce qui y est en jeu est une perte de repère dans la perception de l'échelle réelle des traces des empreintes. Travailler la référence au tapis c’était évoquer un ouvrage fabriqué qui tend à l’usure par l’usage. À partir de l’empreinte qui conserve une part de la vitalité de la matière, je suggère l’érosion, la disparition, lisibles dans l’effacement de leur partie centrale.
Le texte suivant raconte l'origine de ces travaux : une marche.


Based on successive traces of a stride on sheets of paper, the diptych Strate après strate evokes through colour the physical and chemical processes (emergence of the oceans, photosynthesis) that played a decisive role in the appearance of life on earth. The imprint shows the detail of the soil, the horizon is a trace in the soil.
For the dyptique Étendue, érosion I refer to cartography and tapestry together. What is at stake is a loss of reference in the perception of the real scale of the traces of the prints. Working on the reference to the carpet means evoking a manufactured work that tends to wear out through use. From the print, which preserves a part of the vitality of the material, I suggest erosion, disappearance, readable in the erasure of their central part.
The following text in french tells the origin of these works : a walk.





Strate après strate
Marcher. Seul le nécessaire, ce que notre corps peut porter sur de longues distances, nous accompagne. Les sentiers sont plus ou moins clairs et il faut toujours en revenir aux points cardinaux. Le sort que nous réservent les cieux et les vents garde toujours une part d’imprévisible. Pas après pas, c’est à nos pieds, à nos sens et à l’énergie du corps qu’il faudra s’en remettre.

Pas après pas. Éprouver le poids ou la légèreté d’un contact avec un milieu singulier : ses irrégularités, replis, humidités, sécheresses, ses aspérités, ses glissements. Innombrables spécificités qui se découvrent à la foulée.

Pas après pas, rythme cardiaque. La cadence corporelle se coordonne bientôt à la respiration des lieux : rivières, buses, mousses, racines, granites, soleil... De mouvements en immobilités, la temporalité du corps accède instinctivement à celle du paysage.

Ici un pied risqué dans le pierrier ; au-devant ce tronc effondré à contourner ; venu du nord le vent qui s’engouffre juste après notre passage ; au loin les grandes lignes du profil du plateau calcaire à gravir... Distances et durées télescopées.

Tout est forme, en formation. Tout est équilibre, en équilibre.

Empreinter. Comme l’a magnifiquement montré Richard Long, un simple passage dans l’herbe crée une trace sous la pression du pied : le contact sensible crée l’empreinte lisible. Cette trace linéaire va-t-elle être éphémère, ou durable ?

Les signes de nos traces viennent jouxter, s’ajouter, ou recouvrir celles déjà déposées ici et là par les animaux, les eaux, les végétaux, les roches... Strate après strate, , autant d’empreintes de passages multiples entremêlés. Voilà l’accueil du sol terrestre, son hospitalité.

Strate après strate. Nombre d’empreintes resteront dissimulées, enfouies dans le sol. De ces entrelacs du vivant, de ce grand et lent ouvrage, nous ne voyons souvent que la partie émergée : les plis et les failles dans la roche, l’eau en surrection depuis le cœur de la terre, le feuillage chlorophyllien qui vient capter la lumière...

Empreintes biologiques ; empreintes picturales. Rendre compte avec les moyens de la peinture d’une respiration géologique.

Texte d'exposition, Agnes Prévost, septembre 2017

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